Accueil » Challenge » La ballade de Black Tom, de Victor Lavalle

La ballade de Black Tom, de Victor Lavalle

Depuis quelques temps, la mode est à Love­craft dans le monde de l’imag­i­naire, et on ne compte plus les paru­tions sur le sujet, plus ou moins bonnes selon le cas. Ici, c’est au tour du Bélial de récidiv­er et, après nous avoir pro­posé La Quête onirique de Vel­litt Boe de Kij John­son, nous offre cette novel­la de Vic­tor Lavalle, un auteur améri­cain traduit pour la pre­mière fois en France. Cette novel­la a été très bien reçue à l’é­tranger, puisqu’elle a reçu le Prix Shirley Jack­son 2017 et le prix British Fan­ta­sy Award 2017.

Mais par­lons un peu de l’his­toire, voulez-vous ?

EN CETTE ANNÉE 1924, Charles Thomas Tester, musi­cien médiocre et escroc de bas étage, traîne sa longue sil­hou­ette dans les rues grouil­lantes de Harlem en quête de quelques dol­lars, de quoi manger et con­serv­er le toit qu’il partage avec son père vieil­lis­sant. Il n’ignore rien de la magie qu’un cos­tume ajusté comme il con­vient peut provo­quer, de l’invisibilité qu’un étui à gui­tare peut génér­er, jusque dans les quartiers les plus hup­pés, ni de la malé­dic­tion gravée dans la couleur de sa peau, celle-là même qui attire invari­able­ment le regard des Blancs et des flics qui vont avec. Tom­my est un prince. Un prince de Harlem. Mais quand il livre un gri­moire occulte à une sor­cière recluse au cœur du Queens, il n’a aucune idée des portes qu’il entrou­vre alors, ni de la mon­stru­osité que son geste pour­rait bien libér­er…
Une hor­reur à même d’engloutir New York tout entière.

Ceux et celles qui con­nais­sent (et aiment) déjà Love­craft savent prob­a­ble­ment que cette novel­la est en fait une réécri­t­ure de la nou­velle Hor­reur à Red Hook, écrite dans une péri­ode dif­fi­cile de l’au­teur, récem­ment démé­nagé à New York et mar­ié, et détes­tant la ville. Pour ma part, ma lec­ture de Love­craft remon­tant bien à 15 ans, une nou­velle lec­ture de la nou­velle orig­inelle fut bien­v­enue avant d’en­tamer ce treiz­ième opus de la col­lec­tion Une Heure-Lumière. (Pour rap­pel, cette col­lec­tion du Bélial n’édite que des romans courts de bril­lants auteurs français comme étrangers, sou­vent primés pour les étrangers). 

On par­le énor­mé­ment du racisme en lisant Love­craft, et plus par­ti­c­ulière­ment cette nou­velle : je dois avouer que c’est quelque chose qui ne me choque pas réelle­ment, rap­pelons tout de même que l’au­teur a vécu entre 1890 et 1937, péri­ode où la grosse majorité blanche était raciste, même s’il est par­fois dif­fi­cile de lire tout le mépris de l’au­teur à pro­pos des non-blancs. Cepen­dant, Hor­reur à Red Hook n’est ce que Love­craft a fait de meilleur, son per­son­nage prin­ci­pal, un polici­er nom­mé Mal­one, est inin­téres­sant au pos­si­ble, et franche­ment sim­pliste, lais­sant à peine devin­er l’Indi­ci­ble et tout le reste.

En revanche, la nou­velle réécrite par Vic­tor Lavalle est beau­coup plus intéres­sante. On com­mence par chang­er (en par­tie) de point de vue, puisque dans toute la pre­mière par­tie, nous suiv­ons Charles Thomas Tester, musi­cien noir qui tente de sur­vivre à Harlem par une sacrée débrouil­lardise et futur Black Tom. Ça nous per­met tout d’abord une bonne vision de ce que pou­vait être ce quarti­er à l’époque : dif­fi­cile de ne pas ressen­tir ce racisme reten­tis­sant quand il prend le métro pour un autre quarti­er, ou encore l’in­dif­férence totale des policiers à leur égard, parce qu’après tout, les crim­inels ren­trent dans ce quarti­er et ils y restent, tant mieux pour le reste de New York ! Cepen­dant, sa débrouil­lardise et une course de man­u­scrit va aus­si le men­er à ren­con­tr­er avec Robert Suy­dam, riche excen­trique pas­sion­né du culte des Anciens et per­son­nage présent dans la nou­velle orig­inelle, et par con­séquence avec le Mythe. La deux­ième par­tie se con­cen­tre sur notre cher Mal­one, chargé d’en­quêter sur les orig­ines des migrants, mais aus­si sur Suy­dam, accusé par sa famille de per­dre la tête. Pour le coup, elle m’a sem­blé moins intéres­sante que la pre­mière, se con­cen­trant sur le par­cours du polici­er et sur son enquête. Cepen­dant, c’est aus­si elle qui nous per­me­t­tra de voir ce qu’est devenu Tom­my et de mieux le com­pren­dre.

Au final, cette novel­la est très intéres­sante et on peut dire sans se tromper que la réécri­t­ure est réussie. C’est avec plaisir que je lirais un autre titre de Vic­tor Lavalle si une tra­duc­tion survient. (Et notons aus­si que la cou­ver­ture réal­isée par Aurélien Police est sub­lime, comme toutes celles de la col­lec­tion !)

D’autres avis sur la toile : Gro­movar, Lutin, Apophis, Nébal, Vert, Boud­di­ca, Black­Wolf, etc.

Chronique écrite dans le cadre du chal­lenge Sum­mer Short Sto­ries of SFFF (S4F3), le roman ne faisant que 160 pages.

shaya

8 réflexions sur « La ballade de Black Tom, de Victor Lavalle »

  1. Cette col­lec­tion est une vraie réus­site et je compte bien lire tous ses titres, celui-ci com­pris évidem­ment !
    Mer­ci pour ce bil­let très réus­si 🙂

    1. Je suis totale­ment d’ac­cord pour la réus­site de la col­lec­tion, je vais faire pareil même si je ne suis pas accro aux novel­las à la base.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Revenir en haut de page