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L’endo-quoi ?

Il n’est pas dans mes habi­tudes de vous par­ler de moi et d’autres choses que de ma vie de lec­trice. Mais hier soir, je suis retombée sur cet arti­cle écrit il y a plusieurs années, et ai eu l’en­vie irré­sistible de vous le partager, quelque peu mod­i­fié. Donc aujour­d’hui, on ne par­lera pas lec­ture, ni de mes habi­tudes de lec­trice, du blog, ou de quoi que ce soit en rap­port avec les livres. Aujour­d’hui, on par­le endométriose.

J’ai choisi de vous livr­er ici mon expéri­ence sans fournir de don­nées pré­cis­es mais pour expli­quer un peu plus : je suis prob­a­ble­ment atteinte d’en­dométriose depuis l’ado­les­cence, mais le diag­nos­tic n’est arrivé que 10 ans plus tard. Aujour­d’hui, la mal­adie ne s’est mal­heureuse­ment pas con­tentée de touch­er les organes géni­taux, mais a atteint d’autres organes de mon bassin.

Déf­i­ni­tions et autres liens
“L’endomètre est le tis­su qui tapisse l’utérus. Sous l’effet des hor­mones (oestrogènes), au cours du cycle, l’endomètre s’épaissit en vue d’une poten­tielle grossesse, et s’il n’y a pas fécon­da­tion, il se désagrège et saigne. Ce sont les règles. Chez la femme qui a de l’endométriose des cel­lules vont remon­ter et migr­er via les trompes. Le tis­su sem­blable au tis­su endomé­tri­al qui se développe hors de l’utérus provoque alors des lésions, des adhérences et des kystes ovariens, (endométri­omes) dans les organes colonisés. Cette coloni­sa­tion, si elle a prin­ci­pale­ment lieu sur les organes géni­taux et le péri­toine peut fréquem­ment s’étendre aux appareils uri­naire, diges­tif, et plus rarement pul­monaire.” Source : http://www.endofrance.org/la-maladie-endometriose/qu-est-ce-que-l-endometriose/

Je ne suis pas vrai­ment mil­i­tante, vous savez. Je partage des images, des liens, qui expri­ment mes opin­ions. Il est aus­si rare que je fasse des bil­lets d’humeur, bien que j’ai longtemps hésité à cer­taines péri­odes, notam­ment lors du mariage pour tous.

Mais cer­tains jours, il est dif­fi­cile de con­tenir la colère. La colère envers ce petit organe qui a décidé de faire sa vie de son côté et de met­tre le bor­del dans mon corps. La colère envers cette société où on te dit que c’est nor­mal d’avoir mal pen­dant tes règles.

Car oui, on dit aux jeunes filles qui se tor­dent de douleur que c’est la nature. Que c’est comme ça. Que “tu ver­ras, et puis t’as qu’à faire un gosse, ça passera”.

Sauf que l’adolescence avec de l’endométriose, ce n’est pas la petite douleur qui passera avec un Doliprane ou un Spas­fon. Ce sont les douleurs qui t’empêchent de tenir debout et te clouent au lit. L’im­pres­sion que ton appareil géni­tal veut ta mort. Ce sont les rires des copines qui se moquent de toi parce que tu ne peux pas aller en cours à cause de tes règles. Ce seront aus­si leurs regards quand il fau­dra ren­tr­er chez soi pen­dant les cours, et que le mur est la seule chose qui te fait tenir encore debout. C’est le médecin qui dit que tu es trop jeune pour pren­dre la pilule, on va plutôt te don­ner des anti-inflam­ma­toires qui n’agissent pas, avant de céder deux ans plus tard.

Un peu plus tard, ce sont les douleurs dans le dos. Mais comme le tien n’a pas été gâté par la nature, c’est de sa faute. Y a qu’à vivre avec. “Prenez des anti-inflam­ma­toires, Madame !” Spoil­er alert : les anti-inflam­ma­toires, ça marche pas plus chez moi main­tenant qu’a­vant.

24 ans. Arrêt tem­po­raire de la pilule qu’on ne sup­porte plus. Réap­pari­tion des douleurs. Ce tra­jet où tu te rac­croches à la barre du RER comme si ta vie en dépendait, parce que sans elle tu tombes. Ce moment où pour faire un pas tu as l’impression d’avoir gravi l’Everest. Les douleurs diges­tives qui débar­quent avec les règles, et le médecin te dira, une fois encore, que “Mais c’est nor­mal tout ça !”.

26 ans. Je voulais dire au revoir à la pilule, j’ai tenu 4 mois. 4 mois avec le mal de ventre/dos qui répondait “Présent !” en per­ma­nence. Avec cette impres­sion tenace d’avoir un couteau dans le ven­tre. Une pro­fes­sion­nelle de san­té qui écoute enfin, et qui fait pass­er un exa­m­en. Un diag­nos­tic d’adéno­myose, alias endométriose interne, tombe. La seule chose impor­tante pour elle ? “Ne vous inquiétez pas, ça ne touchera pas votre fer­til­ité !”. Les douleurs ? “Reprenez-donc la pilule”.

30 ans. Exa­m­ens avec un spé­cial­iste. Diag­nos­tic mod­i­fié, et plus inquié­tant. Car oui, l’endométriose interne à 30 ans, ça n’existe pas. C’est de l’endométriose tout court. Le traite­ment ? Il n’ex­iste pas. La seule option est la mise sous pilule en con­tinu pour con­tenir la mal­adie.

Quelques mois plus tard, une con­sul­ta­tion avec une ostéopathe spé­cial­isée m’ap­pren­dra que comme soupçon­né, ma sci­a­tique chronique depuis plusieurs années est en fait due à l’en­dométriose, et que ça ne par­ti­ra jamais. Au mieux, on pour­ra apais­er les choses avec des séances pen­dant quelques mois, peut-être même un an si on a de la chance, avant de devoir recom­mencer.

32 ans. Passé les pre­mières inquié­tudes de ce nou­veau diag­nos­tic, vien­nent les inquié­tudes à pro­pos de la pilule. Quels vont être les effets d’une prise de pilule en con­tinu de 16 ans à l’âge de la ménopause ? Le médecin saura seule­ment me dire que, comme je ne suis pas à risque pour les can­cers du sein et de l’o­vaire, on ver­ra ça après 40 ans. Et puis, je suis chanceuse, puisque répon­dant bien à la pilule en con­tinu.

Arrêtez d’écouter les médecins qui vous dis­ent que c’est nor­mal d’avoir mal. Que vous n’avez qu’à faire un gosse et qu’après ça ira. Arrêtez de min­imiser la douleur, de dire que c’est rien, que tout le monde a mal pen­dant ses règles. A cette société qui a décidé que la douleur d’une femme était “nor­male”.

Nota bene : Nor­male­ment, je ne suis pas une per­son­ne méfi­ante envers la médecine allopathique. Mais depuis le pre­mier diag­nos­tic, cer­tains élé­ments sont claire­ment apparus : les infor­ma­tions sont dures à trou­ver, les médecins ne s’in­quiè­tent que de la fer­til­ité et pas de la qual­ité de vie, et surtout, quid des méth­odes non-médi­ca­teuses qui pour­raient aider ? A ce jour, la seule option pro­posée par le monde médi­cal est de pren­dre un anti-douleur à base d’opi­um, alors que les très nom­breux groupes de patientes par­lent d’autres types de médecine, d’al­i­men­ta­tion, et d’autres choses encore. Je ne peux pas remerci­er le monde médi­cal pour cette sen­sa­tion d’être aban­don­née à mon sort en mode “démerdez-vous”.

(Nota bene bis : Bien évidem­ment, je ne met­trai pas tout le monde médi­cal dans le même sac).

Pour plus d’in­for­ma­tions sur l’en­dométriose, voici le site d’End­oFrance : https://www.endofrance.org

shaya

15 réflexions sur « L’endo-quoi ? »

  1. J’avais les larmes aux yeux à lire ton témoignage.
    C’est fou de voir qu’en France, le corps médi­cal (on va dire dans sa glob­al­ité il y a tou­jours des cas par­ti­c­uliers) ne prend en compte que le traite­ment sans regarder la qual­ité de vie de la per­son­ne… Parce que typ­ique­ment les douleurs chroniques c’est très hand­i­ca­pant pour la vie de tous les jours.
    J’e­spère que tu arriveras à trou­ver un équili­bre ce n’est ni sim­ple ni facile­ment acces­si­ble mais j’e­spère que tu l’at­tein­dras 😉

    1. En effet le sys­tème français n’est pas tou­jours sim­ple, ce serait déjà mieux si la médecine autre que tra­di­tion­nelle n’é­tait pas méprisée. Mer­ci en tout cas !

    1. Mer­ci. Heureuse­ment à force, je m’ef­force d’avoir des ren­dez-vous avec des spé­cial­istes quand ça con­cerne la mal­adie.

  2. Je ne sais pas trop quoi répon­dre à part “je com­patis” et “quelle hor­reur” ! C’est vrai que c’est fou le manque de prise en charge de la douleur que tu cites. Espérons que ça évolue avec le temps. Moi-même, je ne con­nais l’en­dométriose de nom que depuis quelques années, mais j’ai l’im­pres­sion qu’on en par­le plus qu’a­vant.

    1. En effet, on en par­le plus qu’a­vant. Quand j’ai eu les pre­miers diag­nos­tics il y a bien­tôt 8 ans, on trou­vait très peu d’in­fos sur le web, aujour­d’hui beau­coup plus. Quand à la prise en charge de la douleur, on ne félicit­era pas la médecine pour ça !

  3. Ça me fout telle­ment en colère ce genre d’his­toires, c’est telle­ment pas nor­mal et injuste. C’est une mal­adie super courante en plus. Heureuse­ment, on com­mence à en par­ler et faut espér­er que les 10 ans de moyenne pour le diag­nos­tic baisse dras­tique­ment. Il faut du courage pour pass­er au tra­vers tout ça et d’en par­ler, bra­vo à toi.

    Suite à dif­férentes formes de mal­trai­tance divers­es subies par le corps médi­cal moi-même, je ne fais plus du tout con­fi­ance par défaut aux médecins. Tu pens­es que ce sont des per­son­nes qui ont for­cé­ment la con­nais­sance et en fait, il arrive assez régulière­ment qu’ils te sor­tent des trucs ran­dom juste pour ne pas dire qu’ils ne savent pas, juste pour ne pas dire qu’ils se sont trompés ou parce qu’ils sont soumis à leurs pro­pres idées reçues. Pour moi à par­tir de main­tenant, un médecin sera soumis à mon esprit cri­tique acéré. Reste à oser leur tenir tête quand j’ai l’im­pres­sion qu’ils me mènent en bateau.

    1. Mer­ci ! J’e­spère aus­si que pour les plus jeunes qui en sont atteintes, un diag­nos­tic sera plus facile. Quand il y aura plus de recherche prob­a­ble­ment !

      (Et vu le nom­bre de fois où je me suis retrou­vée face à du per­son­nel médi­cal qui ne con­naît pas le sujet et où on voit claire­ment qu’on en sait plus qu’eux, c’est clair pour la con­nais­sance. Bon par con­tre pour admet­tre leur igno­rance, c’est encore un autre prob­lème…)

  4. Mal­heureuse­ment dans ce domaine y’a du tra­vail sur des années avant qu’on se sorte des vieilles idées d’a­vant qui dis­aient que c’est nor­mal d’avoir mal. J’e­spère en tout cas que tu trou­veras des solu­tions pour te soulager et des prati­ciens un peu plus infor­més. C’est dif­fi­cile d’avoir un bon suivi quand on a pas con­fi­ance dans le médecin, mais encore faut-il trou­ver le bon !

    1. Ça c’est sûr ! Heureuse­ment au final qu’au­jour­d’hui je suis plutôt épargnée par les douleurs com­par­a­tive­ment à d’autres per­son­nes. Vive­ment 50 ans dans le futur pour voir si ça s’est amélioré !

  5. Je te remer­cie pour ton témoignage.
    Je suis tou­jours scan­dal­isée que la douleur ne soit tou­jours pas prise en compte, que soulager le/la patient·e n’est tou­jours pas pri­or­i­taire. Les diag­nos­tics à l’emporte-pièce du genre “à tel âge, cela ne peut pas être ça” m’a­ga­cent tout autant. Les pro­fes­sion­nels exerçant en médecine con­ven­tion­nelle sont igno­rants des autres pos­si­bil­ités (mais tu me diras que le prob­lème est de s’in­téress­er au corps dans ensem­ble, les pro­fes­sion­nels exerçant dans des dis­ci­plines dif­férentes ne pren­nent même pas la peine de se con­sul­ter).
    J’e­spère que tu arrives à trou­ver des infor­ma­tions et surtout des solu­tions qui peu­vent t’aider. Des bisous de sou­tien !

    1. De rien pour le témoignage ! C’est clair qu’en médecine con­ven­tion­nelle ce serait bien si cer­tains pou­vaient faire l’ef­fort de voir l’ensem­ble et arrêter d’ig­nor­er les autres types de médecine qui peu­vent aus­si aider… Mer­ci pour le sou­tien !

  6. Il faut du courage pour témoign­er de la mal­adie chronique dont on peut être atteint, il faut du courage pour dénon­cer les mal­trai­tances médi­cales subies durant des années, pour sup­port­er en ser­rant les dents face à toute la bêtise et igno­rance que cer­tains ren­voient.
    C’est à force de témoignages comme le tien que l’in­for­ma­tion cir­cule, que les femmes (leurs proches, etc) sont mieux informé.es. Ce sont des témoignages comme le tien qui m’ont ouvert les yeux sur cette mal­adie dont j’en­tendais vague­ment par­ler.

    La France accuse un énorme retard en matière de prise en charge de la douleur. Les “c’est dans votre tête tout ça”, “vous psy­cho­so­ma­tisez”, “je vais vous don­ner un anx­i­oly­tique, ça ira mieux” sont telle­ment courants, faciles à bal­ancer pour cer­tains médecins, plutôt que de recon­naître leur incom­pé­tence en la matière et réori­en­ter vers le spé­cial­iste adéquat…

    En matière de san­té, j’ai appris qu’il fal­lait se bat­tre pour rester en vie, alors les médecins, j’ai une con­fi­ance toute rel­a­tive en eux ^^

    Prend soin de toi et courage.

    1. Mer­ci ! Et je suis bien d’ac­cord pour la douleur, les médecins n’ont jamais cher­ché de solu­tion pour moi par rap­port au fait que les anti-inflam­ma­toires n’agis­sent pas sur moi, par exem­ple, même si j’ai tout de même eu la chance d’avoir aus­si de bons médecins. Après le plus ennuyeux pour moi, c’est qu’il y a de tout et n’im­porte quoi sur le net. Par exem­ple, on voit beau­coup de choses par rap­port au gluten etc en ce moment, et c’est dif­fi­cile de savoir ce qu’il en est vrai­ment. J’ai cru com­pren­dre que tu avais eu aus­si quelques déboires avec ton corps, alors prend soin de toi égale­ment et à très vite sur les réseaux !

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