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Un monde de femmes de Sheri S. Tepper

Sheri S. Tep­per. Encore une autrice dont le nom n’avait jamais croisé mon chemin, jusqu’à ce que je fouille des pages de prix, et décou­vre qu’elle a gag­né le prix Locus du meilleur roman de fan­ta­sy pour son roman La belle endormie en 1992. N’ayant pas trou­vé ce dernier sur le marché de l’oc­ca­sion, me voici lancée dans Un monde de femmes, son pre­mier roman de SF “notable”.

Bien­tôt, Cher­non pronon­cera le voeu des braves comme tous les ado­les­cents de son âge. Il acca­blera d’in­sultes les dis­si­dents qui quit­teront la gar­ni­son par la Porte des Femmes. Il par­ti­ra à la guerre : c’est sa mis­sion, son hon­neur d’homme.
Stavia, elle, tâchera d’ou­bli­er Cher­non. Comme toutes les jeunes filles, soumise, elle appren­dra la médecine, s’ini­tiera au savoir des livres anciens. Peut-être même se join­dra-t-elle à l’une des mis­sions d’ex­plo­ration des zones de déso­la­tion. Les femmes ont tant à faire pour retrou­ver les con­nais­sances d’a­vant le cat­a­clysme !
Ain­si va la vie dans la Fédéra­tion. Aux hommes la noblesse des armes, aux femmes l’hum­ble mis­sion d’as­sur­er la survie de la com­mu­nauté. Injuste, cette dis­crim­i­na­tion rigide ? Mais à y regarder de près, le pou­voir, le vrai, n’est peut-être pas là où on l’imag­ine…

Dans Un monde de femmes, nous suiv­ons Stavia, à dif­férentes épo­ques de sa vie, ain­si que Cher­non. Au démar­rage de l’his­toire, Stavia est une adulte qui doit faire face à son fils qui la rejette, mais ce n’est pas le fil prin­ci­pal de l’his­toire, puisque, bien vite, nous retrou­vons notre héroïne à l’âge de 11 ans.

Le monde créé par Sheri S. Tep­per est un monde matri­ar­cal : les femmes et les (jeunes) enfants d’un côté, les hommes de l’autre. Les femmes ont accès au savoir, à la médecine, et gou­ver­nent les cité de la Fédéra­tion, tan­dis que les hommes les “pro­tè­gent” dans leurs gar­nisons. Les petits garçons sont con­fiés à l’âge de cinq ans à leurs pères, et devront, à 15 ans, faire un choix : le voeu des braves, rejoin­dre la gar­ni­son, ou devenir dis­si­dent, la risée des autres.

La jeune Stavia doit appren­dre la vie : com­ment faire face à un jeune homme, Cher­non, qui se mon­tre avide de con­nais­sances, inter­dites aux hommes ? Ne faut-il pas se méfi­er des hommes, créa­tures de vio­lence dédiées à la guerre ? De l’autre, Cher­non et le monde de la gar­ni­son, où les femmes ne sont bonnes qu’à engen­dr­er des enfants et à les priv­er de leurs lib­ertés, et puis, com­ment prou­ver que l’en­fant dit “le sien” est bien le sien, étant don­né que le cou­ple n’ex­iste pas ?

Vous l’au­rez com­pris, dans Un monde de femmes, on par­le fémin­isme, et même fémin­isme rad­i­cal, puisque la notion de “vio­lence trans­mise par les gènes” est très présente, notam­ment à tra­vers le per­son­nage de la soeur de Stavia, dépeinte au départ comme une jeune écervelée, et qui sera ensuite con­sid­érée comme aurait préféré la vio­lence des hommes. L’eugénisme est égale­ment un thème majeur du roman, puisque, après tout, si la vio­lence est géné­tique, pourquoi ne pas l’éradi­quer avec un con­trôle strict des nais­sances, quitte à stérilis­er en douce des femmes ?

Des par­al­lèles sont égale­ment avec les tragédies grec­ques, notam­ment Iphigénie, que j’ai à présent l’im­pres­sion d’avoir lu à tra­vers le roman où de nom­breux extraits sont présents. Il est dif­fi­cile de nier le sex­isme de cer­taines de ces tragédies, où les femmes sont sac­ri­fiées sans scrupules face à la cupid­ité des hommes et à leur goût pour la guerre, dans ces textes. Le ques­tion­nement sur la viril­ité tox­ique fait claire­ment par­tie du roman et c’est intéres­sant.

Sheri S. Tep­per a écrit un roman plein de qual­ités, qui fera penser à d’autres autri­ces majeures de son époque comme Mar­garet Atwood ou Joan­na Russ, mais il faut bien avouer que cer­tains élé­ments m’ont tout de même gênée. L’idée du fémin­iste dépeinte ici est tout de même mar­quée par son époque, et on peut légitime­ment se pos­er la ques­tion de l’ho­mo­pho­bie de l’autrice quand elle évoque sans la remet­tre un seul instant en ques­tion, la théorie foireuse de l’ho­mo­sex­u­al­ité générée par un déséquili­bre hor­mon­al lors de la grossesse. En con­séquence, cer­tains per­son­nages, comme Cher­non, sont un peu car­i­cat­u­raux, ancrés dans la haine des femmes, et c’est un peu dom­mage.

Mal­gré ces élé­ments négat­ifs, Un monde de femmes est écrit de manière agréable et force aus­si à se remet­tre en ques­tion : la vio­lence serait-elle innée ou géné­tique chez certain.e.s d’en­tre nous ? Dif­fi­cile pour moi de recom­man­der ce livre, notam­ment par sa posi­tion sur l’ho­mo­sex­u­al­ité, mais j’aimerai tout de même décou­vrir La belle endormie, pour lequel elle a été primée.

shaya

9 réflexions sur « Un monde de femmes de Sheri S. Tepper »

    1. Oui, c’est le prin­ci­pal défaut de ce roman ^^ Après c’est intéres­sant de se con­fron­ter à des opin­ions comme ça et d’y réfléchir ^^

  1. Le principe de base me fai­sait un peu penser à “Pollen” de Joëlle Win­tre­bert, mais finale­ment ça n’a pas du tout la même portée et nuance dans le pro­pos. ^^’
    Bon, au moins on n’a pas à regret­ter que ce roman ne soit plus con­nu. Je croise les doigts pour le roman de fan­ta­sy, j’e­spère que tu pour­ras nous trou­ver une pépite !

  2. J’ai lu “Prière à l’ange obscur” de cette autrice qui était bizarre mais intéres­sant. Pas mémorable ceci dit de mémoire. Mais c’est tou­jours sym­pa de faire ressor­tir des vieux noms d’autri­ces même si c’est pas par­fait comme lec­ture.

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