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Les abysses, Rivers Solomon

Après le coup de cœur qu’avait été L’in­ci­vil­ité des fan­tômes de Rivers Solomon, dif­fi­cile de résis­ter à la ten­ta­tion de décou­vrir sa novel­la, Les Abysses, parue en sep­tem­bre aux édi­tions Les Forges de Vul­cain.

 

Les Abysses de Rivers Solomon

Lors du com­merce tri­an­gu­laire des esclaves, quand une femme tombait enceinte sur un vais­seau négri­er, elle était jetée à la mer. Mais en fait, toutes ces femmes ne mouraient pas. Cer­taines ont survécu, se sont trans­for­mées en sirènes et ont oublié cette his­toire trau­ma­tique. Un jour, l’une d’en­tre elles, Yetu, va le leur rap­pel­er, dans ce roman d’é­man­ci­pa­tion, mag­ique et réflexif, sur la con­di­tion noire et sur l’im­pos­si­bil­ité d’une jus­tice, en l’ab­sence de vérité.

Les Abysses est un roman avec une his­toire un peu par­ti­c­ulière : Rivers Solomon s’est inspiré.e d’une chan­son du groupe de hip-hop Clip­ping, The Deep, elle-même basée sur un mythe d’un groupe de Detroit, Drex­ciya, qui imag­ine que les esclaves africaines enceintes jetées à la mer par les esclavagistes auraient don­né nais­sance à une nou­velle civil­i­sa­tion sous la forme d’un peu­ple marin.

Dans Les Abysses, nous suiv­ons Yetu, his­to­ri­enne tor­turée de son peu­ple, les Wajin­rus, un peu­ple sem­blable aux sirènes. Les Wajin­rus descendraient des esclaves africaines enceintes jetées à la mer par les esclavagistes, leurs enfants déchi­rant le ven­tre de leurs mères pour devenir des êtres marins. Chez les Wajin­rus, une seule per­son­ne, Yetu l’his­to­ri­enne, est chargée de porter les sou­venirs du peu­ple, et de les restituer pour une journée seule­ment lors d’une céré­monie. L’en­nui, c’est que Yetu a bien des dif­fi­cultés à sup­port­er le poids de ce passé dif­fi­cile, ne le sup­porte plus, et décide de quit­ter son peu­ple lors de la céré­monie du Don de mémoire. Les Wajin­rus vivent éter­nelle­ment dans le présent, à l’ex­cep­tion du jour de la céré­monie, et qui ont un rap­port à l’in­di­vid­u­al­ité assez par­ti­c­uli­er.

A tra­vers ce roman, Rivers Solomon nous inter­roge sur la mémoire et son impor­tance. A‑t’on un devoir de mémoire ? Doit-on sup­port­er les sou­venirs si ceux-ci sont por­teurs d’une souf­france inimag­in­ables ? Yetu a choisi de fuir cette mémoire, écrasée par son poids, et souhai­tant se décou­vrir. A con­trario, nous avons Oori, dernière sur­vivante de son peu­ple, pour se sou­venir de son peu­ple est essen­tiel. L’autrice nous par­le bien sûr égale­ment de ce ter­ri­ble holo­causte, et de ces africaines esclaves, tuées pour le seule “crime” d’at­ten­dre un enfant et donc d’être moins pro­duc­tives.

Il est aus­si à not­er que le genre n’a que peu d’im­por­tance dans Les Abysses. Les Wajin­rus sont en effet un peu­ple her­maph­ro­dite, dont les mem­bres d’un cou­ple déci­dent quand ils souhait­ent avoir un enfant quelles car­ac­térisques sex­uelles pren­dre. Nous décou­vrirons aus­si un per­son­nage dont le genre n’est jamais indiqué, sans que ça sem­ble avoir une impor­tance quel­conque.

Vous le savez, je suis une lec­trice accro aux pavés et aux longues (mais pas trop quand même) sagas lit­téraires, et, mal­heureuse­ment, Les Abysses m’a don­né ce petit coup de trop peu. L’en­vie d’en savoir plus sur ce peu­ple, cet univers et sa mytholo­gie. Il faut aus­si avouer que le per­son­nage de Yetu m’a paru pour beau­coup être celui d’une ado­les­cente en pleine rebel­lion, et m’a agacé.

Mais pour con­clure, ça n’en reste pas moins un très bon petit roman, intel­li­gent, bien écrit et qui pousse à la réflex­ion.

D’autres avis : Elhyan­dra, Le Chroniqueur, Boud­dic­ca, Four­bis et Têtolo­gie, Tig­ger Lil­ly, …

shaya

14 réflexions sur « Les abysses, Rivers Solomon »

  1. Le côté “court” me fait moyen­nement peur — vu que je con­nais ton aver­sion pour le for­mat =P — par con­tre le côté “ado­les­cente rebelle” bien plus. Mais bon, j’aime telle­ment l’idée de base pour traiter ce sujet, et comme c’est Rivers Solomon, ça sera lu un jour. ^^

  2. C’est noté. L’his­toire me botte bien. Je ne comp­tais pas du tout lire l’In­ci­vil­ité des fan­tômes, mais on me l’a offert, donc je décou­vri­rai Rivers Solomon bien­tôt. Je ver­rai si je décide de pour­suiv­re le chemin.

    1. On est très d’ac­cord, c’est très riche en réflex­ions. Je me demande si je n’au­rais pas du atten­dre plus longtemps avant de le lire en réal­ité.

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